Un peu plus que ma part

J'ai eu le plaisir de dire ce texte à l'occasion du TedX Nantes, le 5 septembre 2020 (la vidéo est visible un peu plus bas). Ces lignes ont été écrites pendant la crise de la Covid19 et rassemblent des réflexions, recherches et expériences datant de quelques années... Ce texte est une synthèse, une version longue est en cours d'écriture et fera, qui sait, l'objet d'une édition. Merci par avance pour vos commentaires, critiques et encouragements.
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Je dédicace ce modeste travail à celles et ceux qui ont déjà changé le monde, qui en font leur quotidien, ou qui s’apprêtent à le faire. Aux scientifiques, ces artistes de la connaissance. Aux artistes, ces faiseurs d’émotions. Aux makers, qui construisent un monde nouveau avec joie et sans relâche. À mes années Terra eco, et à l’équipe qui a fait ce grand journal pionnier. À Open Lande, ses cofondateurs mes camarades de jeu au quotidien, et à sa communauté. À TedX Nantes et à sa formidable équipe de bénévoles, si professionnels. À mes proches, famille et amis, qui se demandent parfois en quoi consiste mon métier. Et surtout, surtout, surtout, aux jeunes générations qui comptent sur nous, autant que nous devrions compter sur elles (et leur donner les moyens qui vont avec cette espérance). Nous sommes un peuple et ce n’est qu’un début !

Tu sais… Chaque jour qui passe, je compte le temps qu’il reste.

Le temps qu’il me reste à vivre. En années, en mois, en jours et parfois en heures.

Je sais… que ce décompte est vain, mais il m’a poussé à chercher, très tôt, le sens de ma vie. Ce que j’ai trouvé est élémentaire : comme toi, je veux être utile. Cette quête de sens m’a amené à voyager, à rencontrer des personnalités. Des scientifiques, des artistes, des entrepreneurs. Ils m’ont fait prendre conscience des défis écologiques : la crise climatique, l’effondrement des espèces. La Terre, notre maison commune, avait commencé à se consumer. Dans l’indifférence.

Tu sais… J’ai vu un monde que personne ne peut souhaiter, ni pour soi, ni pour ses enfants. C’était il y a 15 ans. Alors, j’ai décidé de consacrer ma vie professionnelle à l’écologie.

Pour être utile, je me suis dit qu’il me faudrait faire un peu plus que ma part. J’étais alors journaliste. Je pouvais échanger avec les scientifiques pour comprendre et interpeller le public, pour alerter. Mais cela ne suffisait pas. Alors, je suis devenu éditeur de presse. J’ai imaginé un journal national. Je l’ai cofondé et dirigé pendant 13 ans, pour interpeller, plus fort encore. Mais cela ne suffisait pas.

Nous avions besoin d’alerter. Et c’est toujours le cas. Mais j’ai compris que nous avions aussi besoin d’imaginer un monde inspirant, un monde nouveau. Et nous avons besoin d’accompagner et de soutenir celles et ceux qui inventent ce monde. Entrepreneur engagé, c’est aujourd’hui mon métier, et je peux te dire que chaque jour qui passe, je kiffe !

Mais au fond de mois, je sais que cela ne suffit pas.

Ce dont nous avons besoin, c’est d’une mobilisation générale, des têtes, des cœurs et des mains. Aujourd’hui, j’aimerais te proposer, vous proposer, d’embarquer dans cette aventure, peut-être la plus périlleuse mais aussi la plus enthousiasmante que l’humanité ait connue.

Et je voudrais commencer par un bref voyage dans le temps, en fermant les yeux.

(silence)

Quel âge avez-vous ? Ajoutez dix ans à votre âge. Nous glissons vers les années 2030.

Gardez les yeux fermés. À quoi ressemble votre vie, celle de vos enfants, de vos petits-enfants ? Que voyez-vous ? Que sentez-vous ?

Toujours les yeux fermés, ajoutez encore dix ans. Nous voici dans les années 2040. Et là, à quoi ressemble le monde ? Comment vos enfants ont-ils grandi ? Regardez-les. Essayez d’écouter. Que vous disent-ils ?

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Peut-être nous disent-ils que l’or et le miel coulent à flot. Que la civilisation matérielle n’a jamais été aussi prospère. Tout va bien se passer, dormez en paix. C’est l’humain anesthésié.

Peut-être nous disent-ils que l’apocalypse nous pend au nez. Fin du pétrole, coupures d’eau, famine, bagarre généralisée. C’est l’humain effondré.

Peut-être nous disent-ils que la technologie a tout solutionné. Cerveaux connectés. Visages numérisés. Vies balisées. C’est l’humain assisté.

Peut-être ont-ils fui à bord de navettes spatiales. En quête d’un havre de paix, pour tout reprendre à zéro, ailleurs. Ailleurs, mais où ? C’est l’humain exfiltré.

Peut-être nous disent-ils un peu de tout cela.

(Silence)

Ouvrons les yeux !

Ces futurs possibles ne sont pas sortis de mon imagination. Il suffit d’ouvrir les journaux pour en lire les extraits, ici ou là. Tout se passe comme si notre avenir était déjà tracé.

Mais est-ce vraiment cela que nous voulons ? Moi pas. Je pense qu’un autre scénario est possible, le scénario de l’humain désiré.

Au fil de mon parcours, j’ai compris que ce scénario était à portée de main. Que nous pouvions devenir des acteurs du changement. Ce scénario comporte 3 conditions :

  • la conscience
  • l’humilité
  • l’action

La première condition, c’est la conscience.

C’est vous et moi qui osons prendre part, aujourd’hui, pas demain, à de grands changements :

  • dans nos vies personnelles,
  • dans nos vies citoyennes,
  • mais aussi et surtout dans nos vies professionnelles.

À cette condition, nous pourrons transformer la défaite annoncée, en un défi à relever ensemble.

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Il y a le défi de l’Eau. L’eau qui menace de nous submerger, l’eau qui manque, l’eau souillée de milliards de particules de plastique. Mais aussi, l’eau que nous collectons, goutte à goutte, que nous préservons, l’eau si précieuse à la vie.

Il y a le défi de l’Air. Le CO2 qui fabrique les cyclones, la fournaise. Mais aussi l’oxygène qui rend la vie possible sur Terre, l’air que nous respirons, l’air qui fait battre notre cœur quand nous marchons, quand nous courons, quand nous aimons.

Il y a le défi de la Terre. Les sous-sols, le sable, le pétrole, que nous engloutissons, les terres cultivables que nous empoisonnons. Mais aussi, les sols que nous savons entretenir et réparer, qui grouillent de vie, qui nourrissent l’humanité.

Il y a le défi du Feu. Les énergies fossiles qui consument notre avenir climatique. Mais aussi l’énergie que nous savons utiliser avec parcimonie, l’énergie du vent, de l’eau, du soleil.

Il y a, enfin, le défi de la Vie. Nous abattons les forêts, nous détruisons l’habitat des plantes, des animaux, des insectes. Mais il y a aussi ces arbres que nous replantons par millions, ces écosystèmes que nous savons restaurer.

L’eau, l’air, la terre, le feu, la vie. Nous pouvons décider d’en faire notre priorité et de consacrer notre talent, notre énergie quotidienne et nos métiers à les restaurer. C’est un formidable défi.

Pour relever ce défi, voici la 2e condition : l’humilité.

L’humilité de nous connecter à la Terre. Nous réaliserons qu’elle n’a pas besoin de nous pour tourner. Elle le fait depuis 4 milliards et demis d’années.

L’humilité de nous connecter à la Vie. Elle existe depuis 3 milliards et demis d’années. Elle a traversé de nombreuses crises. Elle est si créative et si puissante qu’elle s’en est toujours remise.

L’humilité de nous connecter aux arbres. Ils poussent depuis 370 millions d’années. Ils savent communiquer entre eux. Eux aussi ont eu à en affronter, des crises. Ils sont toujours debout.

L’humilité de nous connecter pour comprendre que ce que nous appelons « la nature » n’est pas un paysage dans lequel nous évoluons. La nature est une « machine » magnifique et complexe, dont nous sommes le fruit. Pour comprendre notre place, des scientifiques se sont d’ailleurs amusés à calculer le poids de la vie sur Terre. Savez-vous ce qu’ils ont découvert ?

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Les végétaux représentent 82 % du poids total de la vie sur Terre.

Viennent ensuite les bactéries, qui en pèsent 13 %. Nous avons nous-mêmes dans le corps 10 fois plus de bactéries que de cellules. Et encore plus de virus.

Les autres créatures, dont les animaux, ce sont 5 % du poids de la vie sur Terre.

Quant aux humains… Nous pesons seulement 0,01 % du poids de la vie sur Terre. 0,01 %… et 99 % des emmerdes !

(silence)

Pourquoi ? Parce que nous nous sommes peu à peu déconnectés de la nature, en imaginant que nous pouvions la domestiquer.

Nous ne domestiquons pas la nature. Et une pandémie, un fragment de vie, un virus microscopique, nous ont rappelés à la réalité : c’est elle qui est aux commandes depuis des milliards d’années. C’est bien elle qui nous apporte chaque jour :

  • de de quoi boire
  • de quoi respirer
  • de quoi nous alimenter
  • de quoi nous soigner
  • de quoi construire nos maisons
  • et la joie des balades en forêt, en montagne, à la mer
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Robert Costanza est économiste. Il a tenté de donner une valeur à tout cela. Sa découverte est fascinante. Selon lui, la valeur des services que la nature nous rend s’élève à 125 000 milliards de dollars, chaque année. C’est une fois et demi le PIB mondial. Cela signifie que pour produire 1 dollar de richesses, nous avons besoin d’1,5 dollar de nature.

Prenez ce chiffre comme une image. Une image qui sonne comme un avertissement : si nous ne changeons pas notre manière de produire et de consommer, la Terre, épuisée, ne pourra plus nous offrir ses services. Notre civilisation s’éteindra.

Ce chiffre est aussi un encouragement. Car si nous choisissons l’humilité d’observer, de comprendre et de coopérer avec la nature, alors nous pouvons compter sur sa créativité sans limite pour inventer un monde très différent,

un monde où les usines, les villes et nos activités réparent la Terre et soignent les humains.

Je sais ce que vous allez me dire. C’est Impossible.

Et pourtant ! … Depuis des années, des pionniers ont déjà mis ce plan en application. Ils ne sont plus seuls. Ils sont un peuple, ils ont ouvert la voie, nous pouvons nous engager derrière eux. C’est la 3e condition du scénario de l’humain désiré : l’action.

Prenez l’agroécologie. Cette agriculture nourrit les humains tout en soignant et en restaurant les sols. Elle existe, elle crée des emplois. Nous n’avons pas besoin de l’inventer. Nous avons besoin de l’amplifier.

Prenez la mobilité. Récemment, des villes comme New York, Milan ou Bogotá ont créé en quelques jours et dans l’urgence des autoroutes pour vélos. Il n’y a plus rien à inventer. Il y a juste à amplifier.

Prenez votre smartphone. Il y a quelques années, un designer a inventé un téléphone qui s’assemble comme un Lego. Une pièce est endommagée : vous la démontez, vous la réparez et vous continuez avec le même téléphone, pendant 3 ans, pendant 5 ans. Il n’y a plus rien à inventer. On attend juste que tous les téléphones du monde soient pensés de la même manière.

Prenez l’industrie. Il y a Corail Artefact, ce magnifique projet porté par l’artiste Jérémy Gobé. Il est passionné de coraux. Il a découvert un jour une entreprise qui fabrique de la dentelle selon la technique du point d’esprit, une broderie en forme de fleur. En observant ces dentelles, Jérémy Gobé a découvert qu’elles avaient la même forme que certains coraux. De fil en aiguille, l’entreprise et l’artiste ont imaginé un tuteur brodé en coton biodégradable, selon la technique du point d’esprit, pour accueillir les bébés coraux et leur permettre de s’accrocher, de grandir et se multiplier. Et vous savez quoi : ça marche. Voilà comment un artiste et une entreprise inventent une technique industrielle pour restaurer les barrières de coraux et… réparer la mer. Imaginez le champ d’innovation qui s’ouvre ainsi !

Plus près de nous, je peux vous parler de Stéphanie & Jim, qui travaillaient dans la communication. Tombés sous le charme des arbres, ils ont décidé de consacrer leur vie à la création de mini forêts urbaines en s’inspirant de la méthode Miyawaki. Ce projet est devenu une entreprise. 7 mini-forêts sont en cours de création en France. Ils vivent de leur nouveau métier.

Ces personnes dont je vous parle sont en réalité des héros ordinaires, comme vous, comme moi. Elles ont pris conscience de l’urgence des enjeux. Elles ont refusé la défaite, elles ont relevé le défi. Elles ont écouté leur cœur et se sont connectées à la vie. Puis elles ont utilisé leur métier, leur talent, pour faire naître de nouveaux projets.

Ces héros ordinaires ont choisi d’être en action, et l’action c’est la troisième condition du scénario de l’humain désiré.

La bonne nouvelle c’est que nous pouvons tous participer à ce scénario. Comptables, boulangers, enseignants, élus, artistes, entrepreneurs, artisans, soignants, dirigeants.

Posez-vous une question : combien de temps vous reste-t-il à vivre ?

Ce temps-là, qu’allez-vous en faire ? Êtes-vous prêt/e à faire un peu plus que votre part ?

Si oui, tentez de changer votre organisation de l’intérieur,

Si ça ne fonctionne pas, ré-essayez, jouez collectif

Si ça ne fonctionne toujours pas, alors oui, partez !

Gardez votre métier, votre talent et rejoignez les héros ordinaires et venez vivre avec nous la joie quotidienne de faire bouger les lignes et d’avoir un beau métier : Réparer la Terre !

Oui, le chemin est escarpé. Mais pour relever le défi, nous disposons d’une technologie fabuleuse.

Je vais vous demander de tendre vos mains devant vous.

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Regardez-les. L’agilité des doigts, la force du poignet, le pouce préhenseur. Cette technologie a-t-elle été inventée par une machine, une intelligence artificielle ? Non. Cette technologie a été inventée par la nature il y a 5 millions d’années.

C’est avec elles que nous avons façonné le monde. C’est avec elles que vous travaillez tous les jours. Avec ces mains nous pouvons décider de faire de grandes choses…

…comme Sapiens, qui a inventé l’agriculture.

Comme Gutemberg, qui a inventé l’imprimerie.

Comme Marie Curie, qui a découvert la radioactivité.

Comme Simone de Beauvoir, qui a écrit Le deuxième sexe.

Il y a les mains qui ont inventé Internet, celles qui ont envoyé les humains sur la Lune.

Il y a les mains qui dessinent vos maisons et celles qui les bâtissent.

Et puis tu sais, il y a les mains des enfants, des enfants comme toi, que nous tenons dans nos mains.

Il y a nos mains. Il y a vos mains.

Pour le temps qu’il vous reste, qu’allez-vous faire de vos mains ?

Si ce travail vous plaît, n’hésitez pas à prendre contact. En solo et avec Open Lande, nous avons déjà touché près de 8000 personnes dans ce format, que nous appelons la #Catalyse. Vous nous invitez chez vous ? 😉

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